Tenter de fixer des séparations entre les divers
groupes d'une communauté est une chose irréalisable, il n'existe pas de
critère chiffré permettant de rendre compte de la complexité de la société.
Tout au plus peut-on essayer de distinguer les grands groupes en ayant bien
à l'esprit que les frontières entre ceux ci sont extrèmement floues. En effet, à quel moment un petit paysan
devient-il un moyen ou à quel moment un moyen devient-il un gros ?
Les
privilégiés sont bien sur les seigneurs du village. Il s'agit en 1737 de Charles Gabriel
Grumelier, seigneur de Baillon, Douchy et en 1738 de Robersart ainsi que son fils
Charles François Ignace. Ceux ci résidaient au village mais aussi à Valenciennes,
Charles Gabriel y ayant d'ailleurs été prévôt. La seigneurie de Gourgechon appartenait
depuis un siècle aux comtes de Mérode mais avait été saisie en 1736 pour dettes. Les
comtes de Mérode n'y avaient peut-être jamais fait la moindre apparition.
Les dominants sont les plus gros fermiers, ceux qui cultivent de grandes parcelles à
défaut parfois de les posséder, ceux qui peuvent se permettre une ou plusieurs mauvaises
récoltes et même parfois d'en profiter pour écouler leur stock à haut prix. A Douchy,
on peut en ranger au moins deux dans cette catégorie. Jean Baptiste Delinsel est le
fermier de la grande ferme de Douchy en 1737. Antoine Vairet (ou Verez) est le fermier de
Gourgechon, les comptes de la terre de Gourgechon (ref: ADN 8B 1ère série/12032)
indiquent en 1735 que celui-ci occupe 48 mencaudées de bonnes prairies et 70 mencaudées
de terres à labeur pour la somme de 720 florins par an. Le chanoine Lancelin rapporte
dans son histoire de Douchy que son fils, bailli de Douchy, cultivait le tiers des terres
du village avant la révolution (345 mencaudées) et que les anciens disaient qu'un boeuf
mettrait une journée à creuser un sillon autour de ses terres. |
Les moyens représentent environ un
cinquième de la population. Il s'agit essentiellement de fermiers (ou
censiers) occupant des superficies nettement moins importantes, de
laboureurs (donc possédant les moyens techniques de cultiver la terre)
d'aubergistes voire de bergers ou d'artisans. Certains d'entre eux cumulent
plusieurs métiers : Augustin Rigaut est laboureur, aubergiste et
échevin; Antoine Caudmont est laboureur et le clerc du village. On trouve également dans
cette catégorie des artisans aisés comme Ignace François Béra, charpentier et mayeur
du village vers 1750.
Les dépendants (les trois-quarts de la population) sont ceux qui
vivent en état de dépendance permanent, ils n'ont souvent que leurs bras à louer ou
sont de modestes artisans. Les plus nombreux sont les manouvriers (ou journaliers) qui
louent leurs services à la journée et les valets de charrue. Il y a également les
mulquiniers (tisserands en baptistes et linons) et les petits artisans comme les
cordonniers. La plupart d'entre eux posséde un lopin de terre qui leur
permet de survivre les bonnes années et cumule une activité agricole et une
activité artisanale. Inutile pour eux d'espérer vendre quelques surplus de
leur modeste exploitation, en effet, les mauvaises années ne leur laissent
aucun excédent tandis que les bonnes années voient les cours des produits
agricoles s'effondrer.
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